Des chercheurs de Calgary apportent une nouvelle perspective sur la SP progressive primaire qui pourrait ouvrir de nouvelles voies en matière de traitement

Contexte

La SP progressive primaire (SPPP) touche de 10 à 20 % des personnes atteintes de SP et diffère de la SP cyclique (poussées-rémissions) en de nombreux points, tels l’âge du sujet à l’apparition de la maladie, le ratio hommes-femmes et les caractéristiques physiologiques. La SPPP est plus difficile à étudier que la SP cyclique en raison de la plus faible proportion de cas par rapport à cette dernière. En effet, le taux relativement peu élevé de SPPP fait que les données sur l’évolution de cette forme de SP et sur les options thérapeutiques à envisager contre celle-ci sont limitées. Actuellement, il n’existe encore aucun traitement contre la SP progressive.

Des données probantes ont démontré qu’il y a lieu de distinguer deux phases (stade « précoce » et stade « avancé ») en ce qui a trait à l’accumulation des incapacités en cas de SP cyclique. Or, on ne sait pas si la progression des incapacités dans le contexte de la SPPP se déroule également en deux phases. Une étude dont les résultats ont été publiés dans le Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry procure un nouvel éclairage sur l’accumulation des incapacités chez les personnes atteintes de SPPP. En effet, les données issues de cette étude pourraient contribuer à une meilleure compréhension de la SPPP sur les plans diagnostique et thérapeutique ainsi qu’au chapitre du suivi de la maladie.

Description de l’étude

Le Dr Marcus Koch et ses collègues de l’Université de Calgary ont analysé des données démographiques et médicales recueillies par la Clinique de SP de Calgary sur une période allant de 1976 à 2012. Ces données, portant sur 446 patients atteints de SP progressive primaire, comprenaient des éléments d’information tels que la date de naissance, le sexe et l’âge du patient à l’apparition de la maladie, ainsi que des données sur le diagnostic, l’évolution de la maladie et le niveau d’incapacité.

Les chercheurs ont procédé à des analyses statistiques pour savoir dans quelle mesure des facteurs comme le sexe et l’âge du patient au début de la maladie pouvaient influer sur le délai écoulé entre l’apparition de la maladie et l’aggravation des incapacités, ainsi que pour déterminer si l’accumulation des incapacités en cas de SPPP pouvait se dérouler en deux phases (stade « précoce » et stade « avancé »). Pour mesurer la progression des incapacités, les chercheurs ont porté une attention particulière aux scores obtenus par chaque patient à l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (ÉÉIK), également appellee « échelle EDSS ». Les investigateurs cherchaient aussi à savoir si divers facteurs pouvaient ralentir ou précipiter l’accumulation des incapacités.

Résultats

Les chercheurs ont analysé des données provenant de la base de données de la Clinique de SP de Calgary et portant sur 446 personnes atteintes de SP progressive primaire. Le temps médian écoulé entre l’apparition de la SP et l’atteinte d’un score de 4 à l’ÉÉIK (la personne peut encore marcher malgré un niveau d’incapacité élevé) était de 5 ans, et le temps médian entre le début de la maladie et l’atteinte d’un score de 6 à l’ÉÉIK (la personne a besoin d’une canne pour marcher) était de 9 ans. Les personnes qui présentaient un score de 4 à l’ÉÉIK avaient environ 51 ans, et celles dont le score à l’ÉÉIK était de 6 avaient environ 55 ans. Ces données concordent avec les résultats d’études menées en France et au Canada, semblables à celle dont il est ici question. Toutefois, par rapport à leurs constatations, les chercheurs de Calgary ont pu noter que les auteurs de ces études de population avaient rapporté des délais de progression des incapacités plus longs, probablement parce que les cohortes étudiées ne comprenaient pas de sujets présentant une évolution rapide de la maladie. Ces résultats soulignent l’importance qu’il y a à définir précisément l’invalidité chez les personnes aux prises avec une forme progressive de SP.

À l’issue de leurs analyses, les chercheurs ont conclu que l’âge de la personne au moment du diagnostic de SP constitue l’indicateur le plus significatif en ce qui concerne l’accumulation des incapacités en cas de SPPP. En effet, les résultats de recherche indiquent que le fait de recevoir un diagnostic de SPPP à un âge relativement avancé est associé à une réduction du délai entre l’apparition de la maladie et l’atteinte des deux scores à l’ÉÉIK pris en considération (soit 4 et 6). Par ailleurs, les chercheurs ont constaté que le sexe ne semble pas avoir d’incidence sur l’évolution de la SPPP, comme l’avaient déjà indiqué les résultats d’études semblables à la leur. Les analyses des chercheurs ont également révélé que la présence de troubles de la mobilité touchant les deux côtés du corps est associée à une évolution plus rapide de la maladie. Cette constatation concorde avec les observations faites par les neurologues de la clinique, à savoir que les lésions de la moelle épinière dues à la SP entraînent des symptômes moteurs bilatéraux, lesquels sont souvent associés à un pronostic sombre.

Commentaires

Les résultats de cette étude pourraient servir à la conception d’essais cliniques sur la SP progressive. Le fait de connaître les délais d’évolution de la SPPP entre l’apparition de la maladie et l’atteinte de niveaux d’incapacité précis (correspondant notamment à des scores de 4 et de 6 à l’ÉÉIK) pourrait faciliter l’établissement de critères d’admissibilité applicables à de futurs essais cliniques sur la SP progressive. En recrutant le plus grand nombre possible de personnes atteintes de cette forme de SP, quel que soit le rythme de progression de la maladie, les chercheurs seront en mesure de déterminer avec précision les bienfaits et les risques des traitements proposés contre la SP progressive.

Source

KOCH, M. W. et coll. « The natural history of early versus late disability accumulation in primary progressive MS », J Neurol Neurosurg Psychiatry, 2014 August 4 [publié en ligne avant l’impression].