Étude canadienne sur l’observance des traitements modificateurs de l’évolution de la SP

Contexte : Les médicaments modificateurs de l’évolution de la SP sont offerts sur le marché depuis maintenant une vingtaine d’années. De quelle façon sont-ils utilisés?

C’est en 1995 qu’a été approuvé au Canada le premier médicament modificateur de l’évolution de la SP (MMÉSP). Il s’agissait d’un interféron. Aujourd’hui, les interférons demeurent parmi les traitements de première intention pour la forme cyclique (poussées-rémissions) de SP en raison de leur capacité à freiner la progression de cette maladie, à diminuer la fréquence des poussées ainsi qu’à réduire le nombre et le volume des lésions cérébrales. Depuis l’approbation des interférons indiqués contre la SP, il y a une vingtaine d’années, treize autres MMÉSP présentant des degrés d’efficacité variés ont été approuvés par Santé Canada pour le traitement de la SP cyclique. L’une des méthodes utilisées pour mesurer le succès d’un MMÉSP consiste à évaluer la période durant laquelle les personnes atteintes de SP continuent de prendre le médicament en question (on parle alors d’observance du traitement).

Dans un article publié dans la revue intitulée Patient Preference and Adherence, des chercheurs – y compris les Dres Ruth Ann Marrie, de l’Université du Manitoba, et Charity Evans, de l’Université de la Saskatchewan, toutes deux subventionnées par la Société canadienne de la SP – ont présenté les résultats d’une étude qu’ils ont menée sur l’utilisation prolongée de trois MMÉSP prescrits comme médicaments de première intention (interféron bêta‑1b, interféron bêta‑1a et acétate de glatiramère) afin de déterminer les facteurs pouvant inciter les personnes qui ont la SP à poursuivre ou à interrompre leur traitement modificateur de l’évolution de la maladie.

Description de l’étude :Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont analysé des données administratives sur la santé.

Pour mener à bien leur étude, les chercheurs se sont appuyés sur un corpus de données administratives liées à la santé qui provenaient du ministère de la Santé, de la Vie saine et des Aînés du Manitoba, et portaient sur les services de santé reçus par près de 98 % de la population manitobaine. Parmi ces données figuraient des renseignements relatifs à la facturation des médecins et aux hospitalisations ainsi que de l’information sur les dates d’administration de médicaments, les quantités administrées et le nombre de jours d’approvisionnement en médicaments. L’équipe de recherche a colligé des données qui avaient été consignées sur une période allant de 1996 à 2011 au sujet de personnes ayant soumis au moins trois demandes d’indemnité en lien avec la SP. Aux fins de leur analyse, les chercheurs ont fixé comme date de diagnostic la date de soumission de la première demande d’indemnité et ont examiné les données consignées jusqu’à la survenue du décès des personnes concernées, l’annulation de leur couverture d’assurance médicale ou la fin de l’étude. Les chercheurs avaient pour principal objectif d’établir 1) la période de temps médiane écoulée avant l’arrêt d’un traitement par un MMÉSP (défini comme une interruption de traitement de plus de 90 jours), 2) le pourcentage de personnes ayant recommencé à prendre un MMÉSP après avoir interrompu leur traitement, et 3) les facteurs associés à l’arrêt des traitements modificateurs de l’évolution de la SP.

Résultats : Les données analysées ont révélé que les interruptions de traitement étaient courantes, tout comme les reprises de traitement. Les chercheurs ont relevé trois facteurs associés à l’arrêt des traitements modificateurs de l’évolution de la SP.

Les chercheurs ont collecté des données consignées sur une période médiane de 7,8 années relativement à 721 personnes atteintes de SP qui avaient reçu en première intention de l’interféron bêta-1b (33,4 %), de l’interféron bêta-1a administré par voie sous-cutanée (22,9 %), de l’interféron bêta-1a administré par voie intramusculaire (22,5 %) ou de l’acétate de glatiramère (21,2 %). La période de temps médiane écoulée avant l’arrêt d’un traitement modificateur de l’évolution de la SP était de 4,2 ans, quel que soit le médicament prescrit. Sur les 721 personnes concernées, 451 (62,6 %) ont cessé de prendre le MMÉSP qui leur avait été prescrit. Toutefois, parmi celles qui avaient interrompu leur traitement, 259 personnes (57,4 %) ont recommencé à prendre le médicament qui leur avait été prescrit initialement ou ont eu recours à un autre MMÉSP. Parmi les facteurs associés à l’interruption des traitements modificateurs de l’évolution de la SP, les chercheurs ont relevé les hospitalisations liées à la maladie, le fait d’être jeune au moment où est amorcé un tel traitement, de même que le fait de commencer à prendre un MMÉSP longtemps après avoir reçu un diagnostic de SP.

Commentaires : L’étude en question présente certaines limites à prendre en considération.

Bien que cette étude procure de précieux éléments d’information sur l’utilisation prolongée des MMÉSP de première intention, des questions demeurent sans réponse. Premièrement, les chercheurs ne disposaient d’aucune donnée sur la gravité et la progression de la SP, lesquelles constituent des caractéristiques déterminantes lorsqu’il s’agit d’évaluer l’observance d’un traitement contre cette maladie. En effet, bon nombre de personnes seront amenées à recourir à un traitement de deuxième intention si le premier MMÉSP qui leur a été prescrit se révèle inefficace. Deuxièmement, les données administratives analysées par les chercheurs ne fournissaient aucune indication sur les raisons expliquant l’abandon d’un traitement, à l’exception de la grossesse. Troisièmement, les observations des chercheurs ne rendent pas compte des maladies concomitantes, lesquelles peuvent compromettre l’observance des traitements modificateurs de l’évolution de la SP.

Les conclusions de l’étude en question contribueront à une meilleure compréhension des raisons qui incitent les personnes atteintes de SP à cesser de prendre le MMÉSP qui leur a été prescrit. Ces résultats aideront aussi les professionnels de la santé à reconnaître, parmi leurs patients, les personnes susceptibles d’interrompre leur traitement.

Référence: MELESSE, D. et coll. « Persistence to disease-modifying therapies for multiple sclerosis in a Canadian cohort », Patient Prefer Adherence, 2017;11: 1093‑1101.