Selon une étude financée par la Société de la SP, un antipsychotique pourrait être efficace contre la SP progressive

Contexte:

La mise au point d’un nouveau médicament s’avère complexe et demande énormément de temps, d’argent et de travail. En effet, transposer les résultats de la recherche fondamentale sur une maladie comme la SP en des traitements viables, sans danger et efficaces peut prendre des décennies, sans compter qu’après cette longue période, d’autres exigences réglementaires peuvent devoir être satisfaites avant que les gens puissent avoir accès à ces médicaments. Il est donc crucial de promouvoir des stratégies qui permettront non seulement de réduire le temps consacré à ce processus, mais aussi de diminuer les coûts qui y sont associés et d’assurer l’efficacité du médicament.

Les chercheurs et les acteurs de l’industrie sont donc à la recherche de médicaments, parmi les médicaments actuels, dont les caractéristiques biologiques pourraient s’avérer utiles dans le traitement d’autres maladies que celle pour laquelle ils sont indiqués. On parle ici de « l’attribution de nouvelles indications pour les médicaments ». Cette démarche présente de grands avantages par rapport au processus traditionnel d’élaboration des médicaments, car le médicament ciblé a déjà franchi avec succès l’étape de vérification de son innocuité, ce qui requiert autrement beaucoup de temps et de ressources.

Attribution de nouvelles indications pour les médicaments et SP

À l’heure actuelle, certains médicaments indiqués pour des maladies précises pourraient s’avérer utiles dans le traitement de la SP.

Amiloride (Midamor) – Antihypertenseur administré par voie orale, ce médicament a eu des effets neuroprotecteurs chez la souris atteinte d’une maladie semblable à la SP. Cette observation a donné lieu aux premiers essais réalisés sur des êtres humains par une équipe de chercheurs du Royaume-Uni. Résultat : l’amiloride a permis de freiner l’atrophie cérébrale chez les personnes qui présentent une forme progressive primaire de SP.

Ibudilast (MN-166) – Cet anti-inflammatoire a été largement utilisé au Japon et en Corée pour traiter les complications des accidents vasculaires cérébraux et l’asthme. Au cours des premiers essais effectués auprès de personnes atteintes de SP, l’ibudilast n’a pas empêché la réactivation de la SP, mais a contré la diminution du volume du cerveau. Un nouvel essai sera mis sur pied aux États-Unis dans le but d’établir les profils d’innocuité et de tolérabilité du médicament ainsi que son mécanisme d’action chez les personnes présentant une forme progressive de SP. Pour obtenir plus de détails (en anglais) sur cette étude, cliquez ici.

Des chercheurs subventionnés par la Société de la SP découvrent un autre traitement potentiel de la SP

Le mois dernier, le Dr Simon Zhornitsky, titulaire d’une bourse de recherche postdoctorale de la Société de la SP, œuvrant à l’Université de Calgary, a publié un article dans la revue CNS Neuroscience & Therapeutics qui traitait des effets bénéfiques potentiels d’un certain antipsychotique sur la SP, en particulier sur la forme progressive de cette maladie. Le médicament en question, appelé fumarate de quétiapine, s’est avéré efficace dans le traitement des troubles de l’humeur, de la douleur, de l’anxiété et de l’insomnie, entre autres.

Plus récemment, les chercheurs ont constaté que le fumarate de quétiapine (commercialisé sous le nom de Seroquel) avait des effets remyélinisants et neuroprotecteurs sur la souris atteinte d’une maladie semblable à la SP, ce qui en fait un candidat intéressant pour le traitement de la SP. Selon l’article mentionné plus haut, la remyélinisation et la neuroprotection constituent les prochains grands objectifs du traitement de la SP. Ces processus font donc l’objet d’une recherche intensive.

Qu’entend-on par remyélinisation et neuroprotection?

Remyélination : Durant une poussée de SP, des cellules immunitaires pénètrent dans le système nerveux central et provoquent l’inflammation de la myéline, gaine protectrice des fibres nerveuses. Du coup, la structure et la fonction des cellules nerveuses s’en trouvent gravement compromises. Selon les études, la myéline parvient à se régénérer (se réparer) partiellement. Ce processus, appelé remyélinisation, est essentiel à la prévention d’une future dégradation nerveuse, et il permet de maintenir l’intégrité de fonctions comme la vision, la marche, l’élocution et la pensée.

Neuroprotection : Dans certains cas, la myéline ne peut être régénérée, et les fibres nerveuses mises à nu sont dès lors sujettes à la détérioration, ce qui peut avoir de graves conséquences. La protection des nerfs s’avère cruciale dans la prise en charge de la SP, car elle pourrait éviter que la SP cyclique (poussées-rémissions) se transforme en SP progressive ou que la SP se manifeste d’emblée sous une forme progressive. Ce processus – appelé neuroprotection – assure la conservation de l’intégrité du système nerveux central et empêche la dégénérescence des tissus du cerveau et de la moelle épinière.

Fumarate de quétiapine et SP

Selon des études récentes, le fumarate de quétiapine favorise la remyélinisation et limite la détérioration nerveuse chez la souris atteinte d’une maladie semblable à la SP. Au cours de travaux déterminants, des chercheurs ont créé une maladie murine (souris) semblable à la SP progressive, qu’ils ont baptisée « démyélinisation chronique ». Les souris malades ont été réparties dans deux groupes : le premier a reçu du fumarate de quétiapine durant cinq semaines, et le second n’a pas été traité. Dans le premier groupe, la myéline était beaucoup moins détériorée que dans le second. Qui plus est, les chercheurs ont observé chez les souris du deuxième groupe une dégradation progressive de la myéline, disséminée dans tout le cerveau. Lors de la même étude, le fumarate de quétiapine a suscité le recrutement de cellules souches cérébrales et a amené ces dernières à se transformer en oligodendrocytes, cellules productrices de myéline.

L’article dont il est question ici fait aussi état des propriétés immunomodulatrices du fumarate de quétiapine, ce qui signifie que ce médicament peut régir l’activité des cellules immunitaires. Une autre étude a par ailleurs révélé que chez la souris atteinte d’une maladie semblable à la SP, le fumarate de quétiapine freinait l’activité des cellules T et d’autres constituants du système immunitaire impliqués dans la SP.

Outre ses capacités de remyélinisation, de neuroprotection et d’immunomodulation, le fumarate de quétiapine procure d’autres bienfaits qui pourraient le rendre utile dans le traitement de la SP. En effet, il serait très efficace contre un grand nombre de symptômes de la SP et de troubles concomitants tels que la dépression, l’anxiété, les troubles du sommeil, les céphalées (maux de tête) et la douleur.

Mécanismes d’action

Selon les chercheurs, le fumarate de quétiapine pourrait favoriser le processus de réparation de la myéline et maintenir l’intégrité structurale des cellules nerveuses en stimulant la formation et le développement des oligodendrocytes (cellules productrices de la myéline) et en intensifiant l’activité antioxydante. De plus, ce médicament peut réguler l’expression de gènes qui jouent un rôle important dans la survie, la formation et le fonctionnement des cellules nerveuses.

Prochaines étapes

Le Dr Zhornitsky a souligné la nécessité de mettre au point des traitements capables de stimuler la remyélinisation après une attaque du système nerveux central par le système immunitaire. Étant donné que la liste d’agents thérapeutiques pouvant atteindre ce but est plutôt courte, il devient hautement prioritaire d’explorer de nouvelles voies de traitement et de s’intéresser aux médicaments actuels qui peuvent promouvoir la réparation de la myéline et ralentir l’évolution de la SP.

« La recherche en SP est centrée sur la promotion de la remyélinisation (réparation de la myéline). Nous pouvons commencer par approfondir nos connaissances sur le fondement biologique de ce processus et évaluer de nouveaux traitements visant à promouvoir la remyélinisation chez la souris. En définitive, nous voulons expérimenter de tels traitements auprès de personnes atteintes de SP. »

Le Dr Zhornitsky espère que les travaux préliminaires effectués dans ce domaine aboutiront à la mise au point de traitements améliorés pour toutes les formes de SP et à l’élaboration de meilleurs outils de mesure du degré de réparation de la myéline.

« Nous disposons maintenant d’un candidat, en l’occurrence le fumarate de quétiapine, qui pourrait s’avérer un nouveau moyen de favoriser la réparation de la myéline chez les personnes atteintes d’une forme cyclique ou d’une forme progressive de SP. Les résultats de la recherche nous aideront également à évaluer plus avant les techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de pointe et à augmenter leur capacité de détection et de mesure de la remyélinisation chez les personnes atteintes de SP. »

La Société canadienne de la SP finance présentement les travaux menés par le Dr Zhornitsky dans ce domaine, qui a déjà préparé le terrain pour les futurs essais cliniques et qui continuera de le faire. Ces essais permettront d’établir les profils d’innocuité et de tolérabilité du fumarate de quétiapine chez les personnes atteintes de SP et de voir si ce dernier peut stimuler la réparation de la myéline chez les êtres humains. Advenant le cas où les effets de ce médicament sur la remyélinisation chez l’humain seraient confirmés, effets qui ont maintes fois été observés chez la souris, il pourrait dorénavant être employé dans le traitement de la SP cyclique et de la SP progressive.


Sources :

ZHORNITSKY, S. et coll. « Quetiapine fumarate for the treatment of multiple sclerosis: focus on myelin repair », CNS Neuroscience and Therapeutics, 2013;19(10):737-44.