Un agent de rémyélinisation émergent franchit la phase I des études d’innocuité

Contexte

Jusqu’ici, les médicaments contre la sclérose en plaques (SP) visaient à réduire le nombre de lésions de la myéline et des axones. Ces traitements dits modificateurs de l'évolution de la SP agissent la plupart du temps en interférant avec la composante inflammatoire de la SP. Ils permettent ainsi de diminuer le nombre de poussées et d’atténuer les symptômes de la maladie. Bien qu’on ait démontré que cette approche permette de freiner l’évolution de la maladie, les chercheurs proposent que la recherche soit concentrée dorénavant sur la réparation des lésions du tissu nerveux. Les résultats d’une nouvelle étude menée par le Dr Jonathan Tran et son équipe, qui ont été publiés en août, pourraient marquer un moment décisif et un changement de cap dans le traitement de la SP.

Cette étude est la première du genre en ce qu’elle porte sur un médicament (BIIB033) qui vise à réparer et à rétablir la myéline (processus connu sous le nom de remyélinisation). Le BIIB033 inhibe l’action du LINGO-1, protéine bloquant la production de myéline. Il empêche ainsi le LINGO-1 d’entraver les mécanismes de réparation de la myéline et des axones lésés par la SP.

L’objectif principal de ces travaux était de vérifier l’innocuité et la tolérabilité (capacité de l’organisme à tolérer le médicament) du BIIB033 chez les personnes en bonne santé et les personnes atteintes de SP.

Description de l’étude

Cette étude comprenait deux essais cliniques de phase I, menés auprès de 72 témoins en bonne santé et de 47 personnes présentant une forme cyclique (poussées-rémissions) ou progressive secondaire de SP. Les essais se sont déroulés aux États-Unis et aux Pays-Bas.

Le premier consistait à évaluer la prise d’une dose unique croissante du médicament : les personnes en bonne santé étaient réparties au hasard dans deux groupes, dont l’un recevait une seule injection de BIIB033 et l’autre, une substance inactive (placebo). Il s’agissait d’un essai à double insu, c’est-à-dire que ni les participants à l’étude ni l’administrateur des injections ne savaient qui recevait le médicament actif et qui recevait le placebo. Cette façon de procéder permet d’éviter les biais dans l’interprétation des résultats. Le second essai portait sur des doses multiples croissantes du médicament : les personnes atteintes de SP étaient réparties au hasard dans deux groupes, dont l’un recevait des doses multiples croissantes de BIIB033 et l’autre, un placebo.

Au cours des deux essais, les participants ont été groupés, et chaque groupe a reçu des doses croissantes allant jusqu’à 100 mg/kg. Ainsi, les chercheurs ont pu évaluer l’innocuité et la tolérabilité de chaque dose du médicament en se basant sur les résultats des examens physiques et neurologiques, des analyses sanguines et des examens d’IRM effectués à chaque étape.

Résultats

L’innocuité et la tolérabilité du BIIB033 administré à des doses allant jusqu’à 100 mg/kg ont été démontrées lors des essais cliniques de phase I. Par conséquent, le médicament pourra faire l’objet d’essais cliniques de phase II. Aucun effet indésirable grave ni décès n’a été recensé au cours de l’étude. La fréquence des effets indésirables modérés, soit les céphalées, les infections des voies respiratoires supérieures et les infections urinaires, était à peu près la même dans le groupe traité et le groupe témoin (placebo). Qui plus est, le BIIB033 n’a entraîné qu’une faible production d’anticorps neutralisants, réponse immunitaire qui annulerait l’effet du médicament.

Commentaires

Les résultats du premier essai mené auprès d’êtres humains sur un médicament ayant le potentiel de réparer les lésions causées par la SP nous donnent de bonnes raisons d’être optimistes. Cela dit, il faut garder en tête certaines des limites des études consacrées aux agents de remyélinisation. Par exemple, nous ne disposons encore d’aucune méthode de détection et de mesure éprouvée de la remyélinisation qui serait efficace en particulier au stade précoce de la maladie. Soulignons que le débat sur les techniques d’exploration des agents de remyélinisation et les outils de mesure des résultats des études dans ce domaine se poursuit dans les milieux scientifiques et qu’il faut s’attendre à des avancées dans un proche avenir. La Société de la SP appuie toutes les voies de recherche orientées vers la découverte du remède de la SP et elle continuera de diffuser de l’information à jour sur les travaux décrits ci-dessus et les futurs essais cliniques qui porteront sur le BIIB033.

Source

TRAN, J. Q. et coll. « Randomized phase I trials of the safety/tolerability of anti-LINGO-1 monoclonal antibody BIIB033 », Neurology: Neuroimmunology and Neuroinflammation, 2014 August 27 [publié en ligne avant l’impression].