Une étude longitudinale ne révèle aucun lien entre la consommation de sel et l’activité de la SP

Contexte

On en sait encore très peu sur la cause de la sclérose en plaques (SP). Cela dit, des facteurs génétiques et environnementaux et des facteurs liés au mode de vie ont été associés à cette maladie, et ces dernières années, les effets de l’alimentation sur son évolution ont suscité un vif intérêt qui s’est traduit par la réalisation de diverses études de recherche sur la question. Plus précisément, la relation entre la consommation de sel et la SP a fait l’objet d’un petit nombre d’expériences chez l’animal et d’études d’observation chez l’humain. Certes, ces études ont révélé qu’un important apport alimentaire en sel favorise l’inflammation et l’aggravation des symptômes semblables à ceux de la SP, mais elles comportaient un certain nombre de limites méthodologiques. D’autres études menées auprès d’enfants atteints de SP n’ont mis en évidence aucun lien entre l’apport alimentaire en sodium et la SP. Compte tenu de ces données probantes contradictoires, il y a lieu de poursuivre les travaux de recherche sur le rôle du sodium dans les mécanismes à l’origine de la SP et dans l’évolution de cette maladie.

Un article publié récemment dans la revue Annals of Neurology par le Dr Alberto Ascherio et ses collaborateurs, notamment le Dr Mark Freedman, chercheur de l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa qui mène des travaux subventionnés par la Société canadienne de la SP, fait état d’une analyse qui visait à évaluer une éventuelle association entre la consommation de sodium et l’activité de la SP.

Description de l’étude

L’équipe de recherche a analysé les échantillons d’urine prélevés auprès de plus de 400 participants à l’étude BENEFIT (Betaferon/Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment). Cet essai de 5 ans avait pour but d’établir si le traitement par l’interféron bêta-1b permet de réduire le taux d’évolution vers la SP,comparativement à un placebo, chez les personnes ayant subi une première manifestation clinique évocatrice de cette maladie, appelée « syndrome clinique isolé » (SCI).

Les participants à l’étude BENEFIT ont fourni des échantillons d’urine lors des visites qui ont eu lieu au début de l’étude (départ), tous les 3 mois jusqu’au 12e mois, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’étude. Le taux de sodium que contenaient ces échantillons a été mesuré par la suite. Puisque l’apport en sodium varie au cours de la journée, la meilleure méthode de mesure du taux de sodium est celle qui consiste à analyser un grand nombre d’échantillons prélevés sur une période de 24 heures. Mais, comme les échantillons d’urine de l’étude BENEFIT n’avaient pas été prélevés suivant cette méthode, les chercheurs ont estimé l’excrétion du sodium sur 24 heures à l’aide d’une formule validée qui tient compte du taux de sodium dans l’urine, du taux de créatinine dans l’urine (mesure qui reflète l’état de santé des reins), de l’âge, de la taille et du poids. Ils ont ensuite analysé les paramètres d’évaluation cliniques et les paramètres d’évaluation mesurés à l’imagerie qui avaient été retenus dans le cadre de l’étude BENEFIT afin d’étudier la relation entre l’apport en sodium et les résultats relatifs à la SP.

Résultats

Les chercheurs ont établi un lien entre la présence d’un taux élevé de sodium et le sexe, l’indice de masse corporelle et la présence d’un plus faible nombre de lésions avant le début du traitement par l’interféron bêta-1b ou de la prise du placebo. Toutefois, ils n’ont décelé aucune association entre le taux de sodium et le taux d’évolution du SCI vers la SP après 6 mois. Il n’y avait pas non plus d’association entre le taux de sodium, d’une part, et la fréquence des poussées, les variations du score à l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (ÉÉIK, ou échelle EDSS) et la formation de nouvelles lésions ou la variation du volume cérébral du 6e au 60e mois, d’autre part. Les chercheurs ont effectué des analyses supplémentaires en vue d’évaluer d’autres types d’association possibles, mais ils n’ont pu dégager aucun lien entre la variation du taux de sodium au fil du temps et la variation des paramètres d’évaluation de la SP.

Commentaires

Selon les résultats de cette étude, en se fondant sur des paramètres tels que le taux d’évolution du SCI vers la SP, la fréquence des poussées, les variations du score à l’échelle ÉÉIK et l’activité de la SP mise en évidence par IRM (imagerie par résonance magnétique), l’équipe de recherche n’a décelé aucune association entre l’apport en sodium et l’évolution de la SP chez les patients qui ont reçu un interféron. Cette étude comportait par ailleurs plusieurs limites. D’abord, les participants ont suivi un traitement par l’interféron bêta-1b; par conséquent, les résultats auraient pu être différents s’ils avaient reçu un autre type de traitement contre la SP. Ensuite, les chercheurs n’ont pas écarté la possibilité qu’une forte consommation de sodium soit un facteur de risque de SP. Enfin, comme l’étude a été menée principalement auprès de Blancs originaires d’Europe ou du Canada, il est difficile d’estimer les effets de la consommation de sodium sur les autres populations et les autres groupes ethniques. Quoi qu’il en soit, cette étude vient enrichir le corpus croissant de données de recherche dont on dispose sur le lien entre l’alimentation et la SP et fournit aux personnes atteintes de cette maladie des données probantes solides qui les aideront, elles et leur équipe soignante, à prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leur santé.

Référence

FITZGERALD, KC. et coll. « Sodium intake and multiple sclerosis activity and progression in BENEFIT », Ann Neurol, 2017, 10.1002/ana.24965. [Publication en ligne avant l’impression].