Des chercheurs établissent un lien entre le système du complément ‒ partie intégrante du réseau immunitaire ‒ et la progression de la sclérose en plaques

Contexte

La sclérose en plaques (SP) est une maladie qui se caractérise par des attaques du système immunitaire dirigées contre le système nerveux central (SNC). Il est donc primordial d’élucider les raisons de ce dysfonctionnement immunitaire ainsi que les mécanismes qui le sous-tendent pour comprendre la SP et élaborer de nouveaux traitements efficaces contre cette maladie. De nombreuses avancées réalisées dans le domaine de la recherche sur la sclérose en plaques ont déjà permis d’établir des liens entre divers aspects du système immunitaire et l’évolution de la SP. Dans le présent article, il est question d’un groupe de protéines – appelé « système du complément » et faisant partie intégrante du réseau immunitaire ‒ dont l’action renforce la capacité du système immunitaire à combattre efficacement et rapidement les infections. Or, le fonctionnement anormal de ce groupe de protéines a été associé à de nombreuses maladies neurodégénératives et, dernièrement, à la SP. Des chercheurs ont en effet détecté la présence de protéines du système du complément dans des tissus cérébraux lésés par la SP. Toutefois, on ne sait pas encore s’il existe un lien entre l’activité du système du complément et la SP, qu’il s’agisse de l’apparition de la maladie, de son évolution ou de sa gravité.

En vue de trouver une réponse quant à l’éventualité d’un tel lien, une équipe de recherche basée en Suède et dirigée par le Dr Fredrik Piehl s’est penchée sur la protéine C3, marqueur de l’activité du système du complément, ainsi que sur la butyrylcholinestérase (BuCHe), enzyme dont l’action influe sur l’activité de la protéine C3 à la suite d’une atteinte du tissu nerveux. Les observations de ces chercheurs ont été publiées récemment dans la revue en ligne PLoS ONE.

Description de l’étude

Le liquide céphalorachidien (LCR) de 48 personnes ayant la SP a été ponctionné pour être comparé avec celui de 18 témoins non atteints de cette maladie. Parmi les participants à l’étude qui avaient la SP, 33 sujets présentaient la forme cyclique (poussées-rémissions) de la maladie, 9 participants, la forme progressive secondaire, et 6 autres, la forme progressive primaire.

Les protéines à l’étude ont été isolées des échantillons de LCR ainsi prélevés, et leurs concentrations respectives ont été mesurées. Les chercheurs ont concentré leur attention sur les trois types de protéines suivants : (1) la protéine C3 du système du complément, (2) l’enzyme BuCHe et (3) les protéines légères de neurofilaments (NFL), ces dernières étant révélatrices d’une neurodégénérescence (atteinte du tissu nerveux) dans le contexte de la SP. Les chercheurs ont étudié les taux de ces protéines en procédant à des comparaisons entre les sujets ayant la SP et les témoins en santé, de même qu’au sein du groupe de sujets atteints de SP. Leur objectif était de déterminer si les taux de ces trois types de protéines pouvaient être associés au degré d’incapacité (évalué selon l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke – EDSS), la forme de la maladie et le nombre total de lésions cérébrales mises en évidence par l’imagerie par résonance magnétique.

Résultats

L’équipe de recherche a pu constater que le groupe de sujets atteints de SP présentait des taux de protéines C3 significativement plus élevés – suggérant une activation plus importante du système du complément – comparativement au groupe témoin. Aussi, les plus forts taux de protéine C3 ont été relevés chez les personnes qui comptaient au moins neuf lésions cérébrales ainsi que chez celles qui avaient une forme progressive de SP.

Les chercheurs ont également observé des taux de protéine C3 plus importants chez les personnes qui présentaient un degré de neurodégénérescence plus élevé et une aggravation de l’incapacité, en comparaison aux autres sujets, comme l’ont démontré les taux accrus de protéines NFL (révélatrices d’une neurodégénérescence) et les changements constatés quant aux scores obtenus selon l’échelle EDSS.

Par ailleurs, aucune différence n’a été notée relativement à l’activité de l’enzyme BuCHe entre les sujets ayant la SP et les témoins. Cependant, une corrélation significative a pu être établie entre l’activité de l’enzyme BuCHe et les taux de protéines C3 et NFL au sein du groupe de personnes atteintes de SP. Les chercheurs ont en effet constaté que lorsque l’activité de l’enzyme BuCHe augmentait, les concentrations de protéines C3 et NFL en faisaient autant.

Commentaires

Les données issues de l’étude en question étayent des résultats de recherche obtenus précédemment, consolidant ainsi l’hypothèse selon laquelle le système du complément jouerait un rôle dans le contexte de la SP. Elles renforcent aussi la probabilité d’un lien entre la protéine C3 (et par conséquent le système du complément) et (1) une neurodégénérescence continue (comme l’indiquent les taux de protéines NFL), (2) l’action de l’enzyme BuCHe (qui, comme cela a déjà été démontré, influe sur l’activité de la protéine C3 à la suite d’une atteinte neuronale) et (3) le degré d’incapacité chez les personnes atteintes de SP. Les observations des chercheurs suggèrent aussi que le système du complément pourrait jouer un rôle déterminant dans le contexte de la SP sous ses formes les plus chroniques et les plus avancées, dans la mesure où les taux de protéine C3 étaient plus élevés chez les personnes aux prises avec une forme progressive de SP et celles qui présentaient au moins neuf lésions cérébrales que chez les autres sujets participant à l’étude.

Par ailleurs, comme l’ont souligné les chercheurs, les travaux dont il est ici question constituaient une étude préliminaire et portaient sur un nombre limité de sujets, surtout en ce qui concerne le groupe qui présentait la forme progressive primaire de la maladie, composé seulement de six personnes. Malgré ces limitations, les résultats de l’étude corroborent des constatations antérieures et soulèvent des questions qui méritent d’être approfondies. D’autres investigations seront nécessaires pour qu’on puisse, d’une part, élucider la façon dont s’effectue la régulation du système du complément en cas de SP et, d’autre part, déterminer si l’activation de ce dernier constitue une cause primaire ou une conséquence de la maladie.

Source

AEINEHBAND, S. et coll. « Complement component C3 and butyrylcholinesterase activity are associated with neurodegeneration and clinical disability in multiple sclerosis », PLoS ONE, 2015, 10(4): e0122048.