Facteurs de risque et facteurs pronostiques

Le Canada affiche un des taux de sclérose en plaques les plus élevés du monde, et la cause de cette affection n’a pas encore été entièrement élucidée. Les divers travaux de recherche menés à ce jour sur les causes sous-jacentes de la SP ont toutefois permis d’établir que divers facteurs entraient en jeu dans l’apparition de cette maladie. Ces facteurs de risque – soit les caractéristiques ou les circonstances pouvant accroître le risque de SP – relèvent des catégories suivantes : facteurs environnementaux, agents infectieux et facteurs génétiques. Leur combinaison est soupçonnée de jouer un rôle dans l’apparition de la SP. Récemment, des chercheurs ont découvert que les bactéries qui résident dans l’intestin constituaient l’un de ces facteurs. La compréhension de la manière dont chacun de ces facteurs de risque contribue au déclenchement de la SP pourrait mener à l’élaboration de traitements ciblés et, ultérieurement, à la découverte d’un remède contre cette maladie.

Facteurs de risque environnementaux

Certains milieux et modes de vie peuvent augmenter le risque de SP. Parmi les facteurs environnementaux les plus étudiés figurent les taux de vitamine D, l’obésité chez l’enfant et le tabagisme. Une carence en vitamine D peut influer sur le risque de SP tôt dans la vie1, et il s’est avéré que l’obésité constitue un facteur crucial quant au risque de SP durant l’adolescence2. L’association du tabagisme à la SP est cependant plus complexe : des données probantes ont en effet démontré qu’il pourrait y avoir un lien entre la fumée secondaire et le risque de SP pédiatrique3, tandis que le tabagisme constituerait un facteur important dans l’apparition de la SP à l’âge l’adulte4.

Vitamine D

Les études dont l’association entre la latitude et la prévalence de la SP a fait l’objet au début des années 1960 ont révélé, d’une part, que les populations vivant dans les régions du monde éloignées de l’équateur présentaient un taux de SP plus élevé comparativement aux autres populations et, d’autre part, que les diagnostics de SP étaient plus couramment posés durant les mois d’hiver5. Ce sont ces résultats convaincants qui ont incité les chercheurs à s’intéresser davantage au lien pouvant exister entre l’exposition au soleil, les taux de vitamine D et le risque de SP. L’association entre la vitamine D et la SP est maintenant bien documentée, et il est possible d’en savoir plus à ce sujet en cliquant ici.

Des travaux de recherche ont aussi été menés récemment sur les effets de la prise de suppléments de vitamine D chez les personnes traitées par un médicament modificateur de l’évolution de la SP[LB1] .

  • Parmi ces travaux figure une étude réalisée auprès de 170 personnes atteintes de SP cyclique (poussées-rémissions) qui étaient suivies à l’Hôpital universitaire de Copenhague, au Danemark. Chacune de ces personnes recevait du natalizumab (Tysabri), comme traitement contre la SP, et prenait des suppléments de vitamine D. Cette étude, menée par la Dre Julie Hejgaard Laursen, a révélé que la prise de suppléments de vitamine D réduisait le taux global des poussées6. Bien que prometteurs, les résultats obtenus par la Dre Hejgaard et son équipe doivent être validés, compte tenu du nombre restreint de personnes ayant participé à l’étude. Par ailleurs, il pourrait aussi être pertinent d’étudier les effets de la prise de vitamine D dans le cadre de travaux menés auprès de personnes recevant des suppléments de vitamine D et de témoins n’en prenant pas.
  • Au Massachusetts General Hospital, à Boston, au Massachusetts, une équipe de chercheurs dirigée par la Dre Dalia L. Rotstein a étudié les taux de vitamine D chez 324 sujets atteints de SP cyclique prenant soit de l’interféron bêta (IFN-β), soit de l’acétate de glatiramère, soit du fingolimod. Les données recueillies dans le cadre de cette étude ont révélé une association entre, d’une part, des taux élevés de vitamine D et, d’autre part, une diminution du risque de poussée, variant de 30 % à 50 %, et une réduction du risque de nouvelles lésions mises en évidence par IRM chez les personnes traitées par l’IFN-β ou le fingolimod. Cependant, les chercheurs n’ont constaté aucun effet protecteur attribuable à des taux élevés de vitamine D parmi le groupe traité par le glatiramère. La question soulevée par cette étude est donc de savoir si le type d’agent modificateur de l’évolution de la SP administré pourrait avoir une incidence sur les effets des suppléments de vitamine D relativement à l’activité de la maladie7.

Obésité

L’indice de masse corporelle (IMC) est utilisé comme mesure étalon permettant de quantifier l’embonpoint ou l’obésité. Une personne qui présente un IMC de plus de 30 kg/m2 est dite obèse, tandis qu’un IMC supérieur à 25 kg/m2 mais ne dépassant pas 30 kg/m2 est considéré comme un signe d’embonpoint8. Le lien entre l’obésité et la SP ainsi que les implications de l’obésité quant au risque de SP constituent un champ d’investigation assez récent.

  • En 2009, la Dre Kassandra L. Munger, de l’Université Harvard, a réalisé auprès de deux groupes d’infirmières en activité aux États-Unis une étude qui a révélé que le fait d’être obèse à l’âge de 18 ans faisait plus que doubler le risque de SP9. Les résultats de cette étude ont été confirmés par les observations faites par la Dre Anna Karin Hedström, de Stockholm, en Suède, dont les travaux menés auprès de plus de 1 500 personnes atteintes de SP cyclique et de près de 3 000 témoins n’ayant pas la SP ont démontré que l’IMC au moment de l’adolescence, plutôt que durant l’enfance, constituait un facteur déterminant quant au risque de SP2.
  • Une variété de facteurs liés au mode de vie – de même que le profil génétique – peuvent influer sur l’IMC d’une personne. En se basant sur des analyses statistiques, le Dr Brent Richards, de l’Université McGill, s’est penché sur les mutations génétiques associées à la probabilité d’un IMC élevé et a tenté de déterminer si ces mutations contribuaient à un risque accru de SP. L’étude qu’il a dirigée consistait à examiner des données portant sur plus de 300 000 personnes obèses, 14 000 personnes atteintes de SP et 24 000 témoins non obèses et n’ayant pas la SP. Les résultats obtenus par le chercheur ont démontré un lien étroit entre un IMC élevé et la SP. Les gènes mis en cause relativement à la prise de poids d’une personne faisant de l’embonpoint et devenant obèse ont été associés à un risque particulièrement élevé de SP10.
  • L’obésité chez l’enfant, notamment lors de la puberté, influe de façon particulière sur le risque d’apparition de la SP durant l’enfance. La Dre Tanuja Chitnis, du Massachusetts Hospital for Children, à Boston, au Massachusetts, a dirigé une étude réalisée auprès de 254 personnes ayant reçu un diagnostic de SP cyclique avant l’âge de 18 ans et de 420 témoins en santé appariés selon l’âge. Les résultats de cette étude ont montré que les filles et les garçons vivant avec la SP étaient proportionnellement plus nombreux à présenter des IMC significatifs d’embonpoint ou d’obésité (54 % des filles et 48 % des garçons ayant la SP) que les témoins en santé (33 % des filles et 34 % des garçons n’ayant pas la SP). L’équipe de recherche a conclu qu’un IMC élevé contribuait à un risque accru de SP et que cela était particulièrement le cas au début de l’adolescence11.

Des chercheurs se sont employés à étudier l’impact de l’obésité sur l’efficacité des traitements actuellement offerts contre la SP :

  • Durant deux ans, une étude a été réalisée auprès de 80 personnes atteintes de SP cyclique qui présentaient un poids normal, faisaient de l’embonpoint ou étaient obèses. Toutes ces personnes ont reçu de l’IFN-β durant l’étude. Or, parmi celles qui étaient touchées par l’embonpoint ou l’obésité, les périodes de rémission ne sont pas survenues aussi fréquemment qu’au sein du groupe de participants dont l’IMC était dans les valeurs normales12. Les raisons pour lesquelles l’IFN-β est moins efficace chez les personnes qui présentent un IMC élevé comparativement aux autres fait actuellement l’objet d’une autre étude qui, malgré le fait qu’elle porte sur un nombre restreint de personnes ayant la SP, a déjà révélé que l’obésité peut influer sur la progression de cette maladie.
  • Une méta-analyse de six études axées sur le lien soupçonné entre l’inhalation de fumée de cigarette et le risque de SP a été menée à Essex, au Royaume-Uni, sous la direction du chercheur Christopher H. Hawkes. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont établi – parmi les sujets atteints de SP – une distinction entre les fumeurs (et anciens fumeurs) et les personnes qui n’avaient jamais fumé. Leur objectif était de déterminer dans quelle mesure le tabagisme pouvait être associé au risque de SP. Les résultats de leur méta-analyse ont révélé un risque accru de SP parmi les fumeurs13.
  • Une équipe de recherche dirigée par la Dre Anna Karin Hedström, à Stockholm, en Suède, s’est donné pour objectif de déterminer si l’inhalation de la fumée du tabac et la consommation du snuss (type de tabac sans fumée, commercialisé en Scandinavie sous forme de poudre et pouvant être inhalé ou prisé) contribuent à l’augmentation du risque de SP. Les chercheurs ont analysé des données recueillies au moyen de questionnaires auxquels ont répondu 902 personnes vivant avec la SP et 1 855 autres personnes non atteintes de cette maladie. En plus de fournir des renseignements d’ordre démographique, les participants au sondage avaient à répondre à des questions axées sur leur santé en général ainsi que sur leurs habitudes actuelles et passées au chapitre du tabagisme. D’autres questions portaient notamment sur les sujets suivants : durée pendant laquelle les répondants avaient fumé au cours de leur vie, nombre moyen de cigarettes fumées par jour et type de cigarettes consommé. Les chercheurs ont constaté, d’une part, que les personnes qui fumaient au moment de l’étude présentaient un risque de SP plus élevé comparativement à celles qui n’avaient jamais fumé et, d’autre part, que le risque de SP accru parmi les anciens fumeurs persistait durant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans après le moment où ceux-ci avaient cessé de fumer4. La nature du lien entre le tabagisme et le risque de SP n’a pas encore été clairement établie sur le plan biologique et fait actuellement l’objet de travaux de recherche.

Tabagisme

Le tabagisme constitue un autre facteur de risque de SP modifiable.

Si un lien entre l’inhalation de la fumée de cigarette et le risque de SP avant l’apparition de la maladie a pu être établi, l’impact que pourrait avoir le fait de cesser de fumer sur la progression de l’incapacité chez les personnes atteintes de SP a suscité un nombre limité de travaux de recherche jusqu’ici.

  • À l’occasion d’une étude dirigée par le Dr Radu Tanasescu, de l’Université de Nottingham, au Royaume-Uni, 1 270 personnes atteintes de SP cyclique ont répondu à une série de questions sur leur rapport au tabagisme, en fournissant notamment des renseignements sur l’âge auquel elles avaient commencé à fumer, sur celui auquel elles avaient cessé de fumer (si cela était le cas) ainsi que sur le nombre approximatif de cigarettes qu’elles fumaient quotidiennement. Les résultats de cette étude ont démontré que chaque année « sans tabac » était associée à un risque réduit de score d’incapacité pouvant atteindre une fourchette de 4 à 6 sur l’échelle élaborée d’incapacités de Kurtzke (ÉÉIK ou échelle EDSS). Comme l’ont expliqué les chercheurs, une personne vivant avec la SP et ayant cessé de fumer il y a 10 ans présente un risque moins élevé d’atteindre un score de 4 (diminution du risque de 33 %) ou de 6 (diminution du risque de 26 %) à l’ÉÉIK comparativement à une personne qui aurait continué de fumer durant les 10 dernières années14.
  • Le chercheur Farren Briggs et ses collaborateurs, de la Case Western Research University, à Cleveland, en Ohio, ont réalisé une étude auprès d’environ 1 000 personnes atteintes de SP et ayant fait état de leurs habitudes en matière de tabagisme. Ce groupe de personnes avait été sélectionné de façon aléatoire à partir d’un registre international, soit le « North American Research Committee on Multiple Sclerosis » (NARCOMS), auquel sont inscrites plus de 38 000 personnes ayant la SP. La majorité des participants à l’étude présentaient une forme cyclique ou progressive secondaire de SP (SPPS). Au cours de leur étude, les chercheurs ont pu observer une qualité de vie liée à la santé moindre et une activité rapportée de la maladie accrue chez les fumeurs en comparaison des non-fumeurs. Suivant les échelles d’évaluation physique et fonctionnelle utilisées aux fins de l’étude, les chercheurs ont aussi noté des résultats globalement moins bons parmi les fumeurs que chez les personnes qui ne fumaient pas15.

Comme il a été possible d’établir un lien entre le fait d’arrêter de fumer et la réduction du fardeau qu’impose la SP cyclique, il importe de prendre en considération l’incidence que le tabagisme pourrait avoir sur l’évolution de la SP et l’accumulation des incapacités chez les personnes aux prises avec une forme progressive primaire de SP (SPPP).

  • Une étude unique en son genre, consacrée au lien qui pourrait exister entre le tabagisme et la SPPP, a été menée auprès d’environ 400 personnes atteintes de SPPP. Au cours de cette étude, réalisée par le Dr Marcus Koch et ses collaborateurs, de l’Université de Calgary, ont été analysées des données issues d’une autre étude portant sur les répercussions de la SP sur le plan clinique, baptisée « CIMS » (Clinical Impact of Multiple Sclerosis). Les observations faites durant cette étude n’ont toutefois pas permis aux chercheurs d’établir de lien significatif entre l’inhalation de la fumée de cigarette et l’accumulation des incapacités16.

Facteurs de risque infectieux

Virus d’Epstein-Barr

De nombreux agents infectieux ont fait l’objet d’études visant à évaluer s’ils pouvaient constituer des facteurs de risque de SP. Le virus d’Epstein-Barr (VEB) est celui pour lequel on dispose des meilleures données probantes en la matière. Le VEB est la principale cause de la mononucléose infectieuse, maladie très courante chez les adolescents. La primo-infection par ce virus durant l’adolescence est à l’origine d’une mononucléose infectieuse chez plus de la moitié des personnes concernées17, et les personnes qui ont reçu un diagnostic clinique de mononucléose infectieuse présentent un risque plus que doublé d’avoir la SP18.

  • Une récente étude a démontré qu’il est possible de déceler la présence du VEB dans le sang de près de 95 % des personnes qui n’ont pas la SP et de 99,5 % des personnes qui sont atteintes de cette maladie. Le risque de SP est près de dix fois plus élevé chez les personnes qui ont contracté durant l’enfance une infection par le VEB non diagnostiquée et il est près de vingt fois plus élevé chez les personnes qui ont eu la mononucléose durant l’adolescence qu’il ne l’est chez les personnes qui ne sont pas porteuses de ce virus19. Le fait que le VEB est très répandu chez les personnes atteintes de SP tout comme chez celles qui sont exemptes de cette maladie permet de penser que ce virus ne suffit pas à lui seul pour favoriser l’apparition de la SP. Il est à noter que le VEB est le seul virus qui a été mis en cause chez presque toutes les personnes dont la SP s’est déclarée à l’âge adulte20.
  • Michael Pender et ses collaborateurs de l’Université du Queensland à Brisbane, en Australie, ont récemment réalisé une étude visant à examiner la réponse des lymphocytes T au VEB chez des personnes atteintes de SP. Ils ont recruté près de 100 personnes qui ont la SP et plus de 50 personnes exemptes de cette maladie en vue de caractériser les cellules immunitaires présentes dans leur sang. Les résultats de leur étude démontrent que le nombre de lymphocytes T CD8+ (population de lymphocytes T ayant pour fonction de tuer les cellules infectées) qui agissent spécifiquement contre le VEB est plus faible chez les personnes atteintes de SP que chez celles qui n’ont pas cette maladie. Cette observation indique qu’il y aurait une défaillance des mécanismes de maîtrise de l’infection par le VEB chez les personnes atteintes de la SP, qui sous-tendrait le déclenchement de cette maladie21.
  • David Mock et Margot Mayer-Pröschel, de l’Université de Rochester, dans l’État de New York, ont été les premiers à mettre au jour un lien entre la production de protéines liées à l’HVH-6A et la démyélinisation. Plus précisément, ils ont montré dans des conditions expérimentales que les oligodendrocytes (soit les cellules qui produisent la myéline, substance qui isole les axones des cellules nerveuses dans le cerveau) deviennent intrinsèquement défectueux dès lors qu’ils entrent en contact avec une protéine liée à l’HVH-6A22,23. Cette étude semble indiquer que la présence d’un agent infectieux dans le SNC d’une personne atteinte de SP pourrait contribuer à la pathogenèse de cette maladie, mais il faudra poursuivre les travaux de recherche dans ce domaine avant de pouvoir tirer définitivement des conclusions dans ce sens.
  • Dans le cadre de leurs travaux, les membres de l’équipe de L. M. Villar24, de l’Université d’Alcala, à Madrid, en Espagne, ont décelé la présence d’anticorps dirigés contre l’HVH-6 dans le liquide céphalo-rachidien de trois personnes atteintes de SP progressive primaire sur huit et de une personne atteinte de SP cyclique sur les sept qui formaient l’échantillon à l’étude.

Les herpèsvirus humains de type 6A

Les virus latents sont omniprésents dans le système nerveux central (SNC) humain. La majorité d’entre eux appartiennent à la famille des herpèsvirus humains. Plus particulièrement, l’herpèsvirus humain de type 6A (HVH-6A) a tendance à demeurer à l’état latent, état dans lequel il n’est pas très virulent. Qu’il soit infectieux ou non, sa présence peut être décelée dans le sang de toute personne infectée grâce aux protéines qu’il produit. Des études antérieures ont démontré que la production de protéines liées à l’HVH-6A est plus importante dans le sang des personnes atteintes de SP qu’elle ne l’est dans celui des personnes qui n’ont pas cette maladie21,22.

Facteur de risque génétique – l’allèle HLA DRB1*1501

On croit que les variantes de nombreux gènes contribuent au risque de SP. Les variations génétiques qui ont été les mieux étudiées à ce jour sont celles du gène HLA-DRB1, qui appartient au système HLA (human leukocyte antigen), ou complexe majeur d’histocompatibilité. C’est grâce au système HLA que le système immunitaire est capable de faire la distinction entre les protéines de l’organisme et celles qui sont produites par des envahisseurs étrangers (comme les virus ou les bactéries). Il existe de nombreuses variantes (allèles) des gènes du système HLA, et c’est cette grande variété génétique qui permet au système immunitaire de réagir en présence d’envahisseurs étrangers. Les variantes de nombreux gènes du système HLA ont été associées à une hausse du risque de SP. De toutes ces variations génétiques, la mutation HLA-DRB1* 1501 est celle qui est la plus fortement associée à l’apparition de la SP25,26.

  • En août 2007, l’International Multiple Sclerosis Genetics Consortium a publié dans le New England Journal of Medicine les résultats d’une étude intitulée Risk Alleles for Multiple Sclerosis Identified by a Genomewide Study (mise en évidence d’allèles associés à un risque de SP au cours d’une étude pangénomique). Cette exploration des facteurs de risque héréditaires de SP a été menée auprès de 931 « trios familiaux » (chaque trio était formé d’un adulte atteint de SP et de ses deux parents). Près de 2 500 témoins qui n’ont pas la SP ont également été admis à cette étude. Une analyse des gènes HLA des trios familiaux et des témoins qui visait à déceler des variantes de certaines séquences liées à un risque de SP a révélé la présence de l’allèle HLA-DRB1* 1501 au sein de 57 % des trios familiaux26.
  • Dans le cadre d’une autre étude d’association pangénomique réalisée auprès d’une cohorte européenne qui comptait près de 10 000 personnes atteintes de SP et plus de 17 000 personnes exemptes de cette maladie, Stephen Sawcer et ses collaborateurs de l’International Multiple Sclerosis Genetics Consortium ont confirmé que l’allèle HLA-DRB1* 1501 est la variation génétique la plus fortement associée à un risque de SP27.

Bien qu’il soit possible que l’allèle HLA-DRB1* 1501 constitue un facteur de risque d’apparition de la SP, il n’est pas considéré pour autant comme un facteur génétique susceptible d’influer sur l’évolution clinique ou la gravité de cette maladie.

  • L’étude de S. Sawcer et de ses collaborateurs27 ainsi qu’une étude dirigée par la Dre Michaela F. George, de l’Université de la Californie à Berkeley, ont démontré que la présence de l’allèle HLA-DRB1* 1501 accroît le risque de SP, mais qu’elle ne contribue pas à l’aggravation de cette maladie25.
  • Anneke Van der Walt et ses collaborateurs du Royal Melbourne Hospital, à Melbourne, en Australie, ont recherché la présence de l’allèle HLA-DRB1* 1501 et examiné son influence sur l’expression clinique de la SP chez plus de 700 personnes atteintes de SP cyclique à l’aide de trois indicateurs : le score MSSS (Multiple Sclerosis Severity Score; score à une échelle d’évaluation de la gravité de la SP), le laps de temps écoulé entre la première et la deuxième poussée, et l’atrophie cérébrale. Ces chercheurs ont démontré que la présence de cette variante du gène HLA-DRB1 n’influe pas sur l’évolution de la SP, mais qu’elle contribue au risque de SP28.

Le microbiote intestinal – Des facteurs de risque multiples

Les milliards de bactéries qui sont abritées par les intestins forment ce qu’on appelle le microbiote intestinal. On a récemment découvert que les changements au sein de ce microbiote pourraient constituer des facteurs de risque de SP. Les premières études sur la question ont mis en évidence des souches de bactéries qui sont en plus grand nombre chez les personnes atteintes de SP que chez les témoins en bonne santé. Les travaux de recherche subséquents qui sont partis de cette observation visaient à déterminer de quelle façon ces populations de bactéries en surnombre agissent sur le système immunitaire et contribuent au risque de SP.

  • Une étude entreprise par Egle Cekanaviciute, de l’Université de la Californie, et Bryan B. Yoo, du California Institute of Technology, a été réalisée auprès de plus de 140 personnes, dont la moitié avait reçu un diagnostic de SP. Les chercheurs ont déterminé au sein de cette cohorte que deux genres bactériens, Acinetobacter et Akkermansia, étaient quatre fois plus courants chez les personnes atteintes de SP que chez les personnes exemptes de cette maladie. D’autres expériences ont été menées chez la souris. Elles consistaient à transférer quelques bactéries du microbiote intestinal de sujets atteints de SP aux souris. Un important œdème cérébral (enflure du cerveau) a été observé dans les 20 jours qui ont suivi ce transfert. À l’inverse, lorsque des bactéries du microbiote de sujets sains ont été transférées à des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP, ces dernières ont été en proie à des symptômes plus légers29.
  • Une autre étude menée par Kerstin Berer et Lisa Ann Gerdes, de Munich, en Allemagne, avait pour but de recruter 34 paires de vrais jumeaux, dans lesquelles l’un des jumeaux était atteint de SP, en vue d’examiner la composition de leur microbiote intestinal. Cette étude a confirmé que les bactéries du genre Akkermansia étaient significativement plus nombreuses chez les jumeaux atteints de SP. Cette équipe de recherche a ensuite prélevé des échantillons de microbiote intestinal chez chaque groupe de jumeaux et les a transférés à des souris atteintes d’une maladie semblable à la SP. Au bout d’un certain temps, il est apparu que les œdèmes cérébraux avaient été trois fois plus fréquents chez les souris qui avaient reçu les bactéries des jumeaux atteints de SP que chez celles qui avaient reçu les bactéries des jumeaux qui n’avaient pas la SP. L’équipe a également découvert que les bactéries intestinales des jumeaux atteints de SP semblaient inhiber la production de molécules qui réduisent les œdèmes30.

Il est important de noter que ces deux études prometteuses ont été menées auprès d’un faible nombre de personnes atteintes de SP, mais que les travaux de recherche se poursuivent dans ce domaine. Le microbiote intestinal et les différences observées entre les personnes atteintes de SP et celles qui sont exemptes de SP quant à la composition de ce microbiote ouvriront peut-être un jour de nouvelles perspectives thérapeutiques prometteuses. Mais d’ici là, il faut multiplier les projets de recherche qui aideront à découvrir comment les bactéries intestinales peuvent déclencher la SP et comment elles sont susceptibles d’interagir avec d’autres facteurs de risque de cette maladie.

Combinatoire des facteurs de risque de SP

De récentes études axées sur les interactions entre les facteurs génétiques et les facteurs environnementaux et sur le risque de SP ont été menées afin d’examiner le rôle de divers facteurs de risque de SP connus et de déterminer comment ces facteurs pouvaient influer ensemble sur le risque de SP :

  • P. Sundström et ses collaborateurs de l’Umeå University Hospital, en Suède, se sont proposé d’évaluer si deux facteurs de risque de SP de longue date, soit la présence de l’allèle HLA-DRB1* 1501 et celle du VEB dans le sang, influaient l’un sur l’autre, et notamment si la mutation HLA-DRB1* 1501 était associée à une réactivité accrue des cellules immunitaires à l’égard du VEB. Les résultats de leur étude indiquent que les cellules immunitaires des personnes qui sont porteuses de cet allèle du gène HLA-DRB1 sont très réactives en cas d’infection par le VEB, comparativement aux cellules immunitaires des personnes qui ne sont pas porteuses d’une telle mutation31.
  • A. K. Hedstrom, de l’Institute of Environmental Medicine de Stockholm, en Suède, a cherché à examiner en 2011 dans quelle mesure le tabagisme et les variations génétiques du système HLA contribuent ensemble au risque de SP. Les participants à son étude devaient répondre à des autoquestionnaires d’évaluation de la consommation de tabac et subir des analyses sanguines visant à déceler la présence de variantes de gènes HLA. En tout, le chercheur a reçu les réponses de plus de 1 100 personnes atteintes de SP et de plus de 2 300 témoins exempts de SP. Dans l’ensemble, la présence de l’allèle HLA-DRB1* 1501 et le tabagisme ont des effets plus qu’additifs sur l’apparition de la SP32. Au cours d’une étude plus récente (2017), ce chercheur a de nouveau réussi à démontrer que cette interaction entre un facteur génétique et un facteur environnemental contribue à accroître le risque de SP33.

Cela dit, il y a également eu des travaux qui n’ont mis en évidence aucune interaction entre certains facteurs de risque associés à l’apparition de la SP. Par exemple, Kjetil Bjørnevik, de l’Université de Bergen, en Norvège, et ses collaborateurs ont recueilli les données de 1 904 personnes atteintes de SP et de 3 694 personnes exemptes de cette maladie. Les dossiers de ces sujets, qui résidaient en Norvège, en Italie ou en Suède, faisaient tous état du statut tabagique et de la présence d’antécédents de mononucléose infectieuse. Il est apparu que chacun des facteurs de risque à l’étude, à savoir le tabagisme et la mononucléose infectieuse, augmentait à lui seul le risque de SP au sein de toutes les populations à l’étude. En revanche, l’évaluation des effets combinés de ces deux facteurs a révélé que leur association n’augmentait pas le risque de SP. Autrement dit, ces résultats indiquent que le tabagisme et la mononucléose infectieuse contribuent tous les deux à accroître le risque de SP, mais qu’ils le font de manière indépendante. Il se peut toutefois que leurs effets respectifs sur les mécanismes biologiques sous-jacents à la SP empruntent des voies similaires, mais il faudra mener d’autres études pour analyser cette question et y répondre de façon concluante34.

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