Insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique

Le terme « insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique » (IVCC) a été créé par le Dr Paolo Zamboni, de l’Université de Ferrara, en Italie. Selon la théorie élaborée par ce dernier, l’IVCC est caractérisée par un rétrécissement ou une obstruction des veines de la tête et du cou tels que celles-ci ne parviennent plus à drainer efficacement le sang contenu dans le système nerveux central. Plus précisément, l’accumulation de sang qui s’ensuit causerait une augmentation de la pression veineuse, ce qui serait à l’origine d’un reflux sanguin vers le système nerveux central qui s’effectuerait par l’intermédiaire de nouveaux vaisseaux sanguins (de nouveaux vaisseaux se forment lorsqu’il y a insuffisance). D’après l’hypothèse du Dr Zamboni, l’intégrité structurelle de la membrane de ces vaisseaux compensatoires différerait de celle des vaisseaux plus volumineux et aurait tendance à provoquer des fuites de sang dans les tissus adjacents. Ce phénomène serait à
l’origine de dépôts de fer dans le système nerveux central, ce qui déclencherait une réponse immunitaire associée à la sclérose en plaques (SP).

En 2009, le Dr Zamboni a établi une liste de critères diagnostiques qui définissent l’IVCC. Il a également publié les résultats d’une étude dans laquelle il a démontré que tous les sujets ayant la SP qu’il avait examinés étaient atteints d’IVCC. À la suite de la publication de ces résultats, d’autres études ont été réalisées sur l’IVCC partout dans le monde. Ces études ont donné des résultats contradictoires. En effet, des chercheurs ont démontré que la SP était associée à certaines anomalies veineuses, alors que d’autres ont conclu que ce n’était pas le cas. Dans l’ensemble, les travaux de recherche donnent à penser qu’il n’y a pas de lien entre l’IVCC et la SP.

Le traitement proposé contre l’IVCC, qui est parfois appelé « traitement libérateur », est en fait une angioplastie veineuse, soit une intervention qui consiste à insérer une endoprothèse ou à gonfler un ballonnet dans les veines qui sont obstruées partiellement ou complètement, afin de les débloquer et ainsi d’améliorer la circulation sanguine et le drainage du sang du cerveau. Soulignons que cette intervention n’a pas été approuvée au Canada.

Réponses fournies par la recherche

La Société canadienne de la SP subventionne des travaux de recherche sur l’IVCC et la SP

En juin 2010, la Société canadienne de la SP et la National MS Society (organisme états-unien de la SP) ont affecté conjointement plus de 2,4 millions de dollars à sept projets de recherche consacrés à l’IVCC et au lien qui pourrait exister entre cette dernière et la SP. Toutes les demandes de subvention ont été soumises à l’évaluation d’un comité d’examen international composé d’experts dans divers domaines : radiologie interventionnelle, chirurgie vasculaire et neurologie. La Société canadienne de la SP et son pendant états-unien ont collaboré à la composition de ce comité chargé de juger de la valeur scientifique et de la faisabilité des projets soumis ainsi que de l’expérience des équipes candidates.

Toujours en 2010, la Société de la SP et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) ont créé un groupe de travail composé de neurologues, de spécialistes de l’imagerie et de la médecine vasculaire, d’éthiciens et de scientifiques, à qui on a donné le mandat de suivre la recherche sur l’IVCC en lien avec la SP et d’établir les priorités à ce chapitre. Le Groupe d’experts scientifiques a pris part à une série de rencontres, dont la dernière s’est tenue le 8 mars 2017. L’objectif de cette réunion conclusive était de discuter des résultats de l’étude pancanadienne de phase I/II, dirigée par le Dr Anthony Traboulsee. Un communiqué a par la suite été publié par la Société de la SP et les IRSC.

Grâce à des techniques d’imagerie de pointe et à des protocoles d’études d’avant-garde, ces travaux, dont le financement a été approuvé, ont permis d’étudier de façon exhaustive la structure et la fonction des veines qui assurent le drainage du sang du cerveau et de la moelle épinière chez des personnes atteintes de SP et de comparer les résultats obtenus chez ces dernières à ceux de volontaires sains et de sujets atteints d’autres maladies neurologiques que la SP.

Les chercheurs qui ont mené ces travaux font état des données recueillies dans diverses revues arbitrées (c.-à-d. dont les articles sont soumis à une évaluation par les pairs) et dans le cadre de grands congrès scientifiques.

La Dre Fiona Costello et son équipe du Hotchkiss Brain Institute de l’Université de Calgary ont publié en juin 2014 les résultats d’une étude dans laquelle elles ont examiné la validité de l’hypothèse qui sous-tend la théorie de l’IVCC en comparant l’anatomie du système veineux et le débit sanguin veineux de personnes atteintes de SP à ceux de personnes en bonne santé. Cette équipe de chercheurs a eu recours à l’échographie et à la veinographie par résonance magnétique (examen permettant d’observer le débit sanguin dans les veines de la tête et du cou et d’obtenir des images détaillées de ces structures) afin de comparer les proportions d’anomalies veineuses existant dans ces deux groupes de sujets. Elle n’a pas relevé de différence entre les sujets atteints de SP et les témoins en bonne santé pour ce qui est de la proportion d’anomalies du débit sanguin veineux. Cette étude n’a pas mis en évidence d’association entre l’IVCC et la SP.

COSTELLO, F. et coll. « Validity of the diagnostic criteria for chronic cerebrospinal venous insufficiency and association with multiple sclerosis ». Canadian Medical Association Journal, 2 juin 2014 [diffusion en ligne avant impression].

Le Dr Anthony Traboulsee et ses collaborateurs de l’Université de la Colombie-Britannique, du Vancouver Coastal Health et de l’Université de la Saskatchewan ont publié les résultats d’une étude sur la prévalence de l’IVCC chez les personnes atteintes de SP, leurs frères et sœurs exempts de cette maladie et des volontaires sains, qui servaient de témoins. Les chercheurs ont eu recours à l’échographie et à la phlébographie par cathéter pour déceler les signes de l’IVCC. Les analyses effectuées n’ont pas mis en évidence d’association entre l’IVCC et la SP.

TRABOULSEE, A. L. et coll. « Prevalence of extracranial venous narrowing on catheter venography is similar in people with MS, their siblings, and unrelated healthy controls: a blinded case-control study ». The Lancet; 2014 383(9912):138-145.

L’équipe de recherche de la Dre Brenda Banwell, qui occupe actuellement le poste de chef du service de neurologie du Children’s Hospital of Philadelphia après avoir été directrice de la clinique de SP pédiatrique de l’hôpital pour enfants malades de Toronto, a évalué si les enfants atteints de SP avaient des anomalies veineuses à un jeune âge. Elle s’est servie de l’échographie et de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour déceler les signes de l’IVCC chez des enfants atteints de SP et des témoins du même âge. Les résultats obtenus indiquent que le drainage veineux des enfants atteints de SP est normal et que l’IVCC n’est pas associée à la SP. Plus précisément, les données publiées par la Dre Banwell et ses collaborateurs tendent à réfuter l'hypothèse selon laquelle l'IVCC serait un facteur causal de la SP.

LAUGHLIN, S. et coll. « No Evidence for Impairment of Venous Hemodynamics in Children or Young Adults with Pediatric-Onset Multiple Sclerosis ». American Journal of Neuroradiology; 2013 34(12):2366-2372.

Le Dr Jerry Wolinsky et ses collaborateurs du Centre des sciences de l’Université du Texas ont eu recours à diverses techniques d’imagerie pour examiner les signes de l’IVCC chez des personnes atteintes de SP et chez des volontaires sains. Les résultats de leur étude n’ont pas mis en évidence d’anomalies du debit sanguin veineux chez les personnes atteintes de SP et portent donc à croire qu’il est peu probable que de telles anomalies contribuent à l’apparition de la SP.

BROD, S. A. et coll. « Chronic cerebrospinal venous insufficiency: makes multimodal imaging assessment ». Multiple Sclerosis Journal; 2013 19(11): 1499-507.

Le Dr Robert Fox et son équipe de recherche de la Cleveland Clinic ont fait appel à l’échographie, à la phlébographie, à des techniques d’IRM et à des paramètres cliniques pour évaluer le drainage veineux de sujets atteints de SP, de sujets prédisposés à la SP et de témoins. Selon les résultats publiés récemment dans la revue The Canadian Journal of Neurological Sciences, cette étude n’a pas mis en évidence d’association entre l’IVCC et la SP. Les chercheurs font remarquer que le recours à différentes techniques d’imagerie médicale et les variations dans l’interprétation des données peuvent expliquer les résultats discordants des études sur l’IVCC.

FOX, R. J. et coll. « No Association of Chronic Cerebrospinal Venous Insufficiency with Multiple Sclerosis », The Canadian Journal of Neurological Sciences Inc., 2015 August 2. [Diffusion en ligne avant impression]

Le Dr Carlos Torres et son groupe de recherche de L’Hôpital d’Ottawa ont utilisé l’échographie et une technique d’IRM puissante pour examiner l’anatomie du système veineux de personnes atteintes de SP et de témoins en bonne santé et pour évaluer l’accumulation de dépôts de fer dans ce système. Ils espèrent ainsi mieux caractériser les variations normales de l’anatomie du système veineux et examiner le rôle que pourraient jouer les accumulations de fer dans les cas d’obstructions veineuses.

Dans un article publié dernièrement dans la revue European Radiology, le Dr Torres et son équipe ont indiqué que les personnes non atteintes de SP présentaient fréquemment des variations anatomiques veineuses, tels des asymétries et des rétrécissements des veines jugulaires internes. Ces résultats donnent à penser que les variations anatomiques veineuses ne sont pas exclusives aux personnes atteintes de SP et viennent contredire l’hypothèse selon laquelle il existerait un lien entre l’IVCC et la SP.

TORRES C et coll. « Extracranial Venous abnormalities: A true pathological finding in patients with multiple sclerosis or an anatomical variant? » Eur Radiol. 2016 Mar 24. [Diffusion en ligne avant impression]

Le Dr Aaron Field et son équipe de recherche de la Faculté de médecine et de santé publique de l’Université du Wisconsin ont eu recours à des techniques d’échographie et d’imagerie pour générer des images détaillées des veines de la tête et du cou de 112 personnes aux premiers stades ou à des stades avancés de la SP, de 56 témoins en bonne santé et de 56 témoins atteints d’une autre maladie neurologique que la SP.

Ainsi, les chercheurs se sont servis de l’échographie Doppler, de l’imagerie par résonance magnétique quadridimensionnelle et de la veinographie par résonance magnétique avec injection d’un agent de contraste pour déterminer s’il existe un lien entre la SP et le rétrécissement des veines de la tête et du cou. Aucune des techniques utilisées n’a permis de détecter de différence significative quant au rétrécissement des veines des personnes atteintes de SP comparativement aux témoins. Les résultats de cette étude, tout comme ceux d’autres travaux de recherche menés auparavant, laissent croire qu’il est peu probable que l’IVCC contribue à la SP.

SCHRAUBEN, E. M. et coll. « Four-dimensional flow magnetic resonance imaging and ultrasound assessment of cerebrospinal venous flow in multiple sclerosis patients and controls », J Cereb Blood Flow Metab, 2016 [publication électronique avant impression].

Autres études sur le lien entre l’IVCC et la SP

  • Selon les résultats publiés en juillet 2014 d’une étude en deux phases menée par les Drs Adnan H. Siddiqui, Robert Zivadinov et Ralph H.B. Benedict, l’angioplastie veineuse est relativement sans danger, mais ne constitue pas un traitement efficace contre la SP et pourrait même contribuer à accroître l’activité de la maladie.
  • Une étude canadienne dont les résultats ont été publiés en 2013 par le Dr Rodger et ses collaborateurs visait à examiner par échographie et par IRM la prévalence relative des anomalies veineuses chez des personnes atteintes de SP et chez des témoins. Les résultats n’ont révélé aucun signe d’IVCC ni aucune anomalie touchant la structure des veines ou la circulation sanguine chez les personnes atteintes de SP. Ces résultats constituent de solides données qui réfutent la théorie selon laquelle l’IVCC jouerait un rôle dans l’apparition de la SP.
  • L’étude multicentrique italienne appelée « CoSMo » est l’une des plus vastes études menées à ce jour sur l’IVCC chez les personnes atteintes de SP. Publiés en septembre 2013, les résultats de cette étude, qui a été réalisée dans 35 cliniques de SP italiennes auprès de 1767 participants, n’ont pas mis en évidence de différence entre les personnes atteintes de SP et les personnes exemptes de SP ou atteintes d’une autre maladie neurologique que la SP quant à la prévalence de l’IVCC.
  • En avril 2011, le Dr Zivadinov a publié dans la revue Neurology les résultats d’une étude qui indiquaientque la prévalence de l’IVCC était supérieure à la normale chez les personnes atteintes de SP, mais qu’elle était néanmoins nettement plus faible que celle rapportée par le Dr Zamboni en 2009. Selon ces résultats, l’IVCC ne jouerait pas un rôle de cause à effet dans l’apparition de la SP.

Pour obtenir la liste complète des résultats des études sur l’IVCC, veuillez visiter le site Points d’information au sujet de la Société de la SP

Essai clinique pancanadien sur le traitement de l’IVCC

Des résultats préliminaires non encore publiés de l’essai clinique pancanadien lancé en 2012 sur le traitement de l’IVCC, qui consistait en un essai de phase I/II comparatif avec placebo et à double insu, ont été rendus publics.

Les chercheurs qui menaient cette étude avaient principalement pour but d’évaluer l’innocuité de la veinoplastie (intervention qui consiste à dilater, à l’aide d’un ballonnet, les veines obstruées et à améliorer la circulation sanguine) comparativement à un placebo chez des personnes atteintes de sclérose en plaques qui présentaient des signes d’insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC). Les chercheurs espéraient également évaluer l’efficacité de cette intervention pour le traitement de la SP, tant à court terme qu’à long terme.

En tout, 104 personnes de Vancouver, Winnipeg, Montréal et Québec chez qui on avait décelé des signes d’IVCC à l’aide d’examens par échographie et veinographie ont été réparties de façon aléatoire dans deux groupes : 49 participants ont subi une veinoplastie, et 55 ont subi une intervention factice.Après 48 semaines, les groupes ont été inversés : les membres du premier groupe ont subi une intervention factice, et ceux du second groupe, l’intervention à l’étude. L’observation des participants s’est poursuivie pendant une autre période de 48 semaines. Les résultats préliminaires après 48 semaines n’ont démontré aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes quant aux paramètres d’évaluation suivants : mesures par IRM, évaluations cliniques des symptômes et autoévaluation par les participants. L’équipe de chercheurs en est donc venue à la conclusion que la veinoplastie s’avère inefficace en tant que traitement de la sclérose en plaques.


Qu’avons-nous appris à ce jour?

À ce jour, les résultats de la recherche ont révélé que le fait de traiter le rétrécissement ou l’obstruction des veines s’avère inefficace pour le traitement de la SP.

Un nombre croissant de données probantes recueillies sur la prévalence de l’IVCC chez les personnes atteintes de SP indiquent qu’il n’y a pas de lien entre l’IVCC et la SP. Et selon des résultats préliminaires communiqués dernièrement, la veinoplastie s’est révélée inefficace pour le traitement de la SP. Selon les chercheurs, les écarts multiples observés entre les résultats des diverses études seraient attribuables au fait que les techniques d’imagerie employées, la formation donnée au personnel et l’interprétation des résultats varient d’une étude à l’autre. Par ailleurs, certaines études viennent remettre en question la validité des critères diagnostiques proposés pour l’IVCC.

Les interventions contre l’IVCC peuvent entraîner des complications.

Comme toute autre intervention effractive, ce type de traitement comporte des risques. À cet égard, il est généralement admis qu'une veinoplastie par ballonnet est moins risquée qu'une intervention impliquant la pose d'une endoprothèse. Pour en savoir davantage à ce sujet, veuillez vous reporter à notre section consacrée aux risques et à l'innocuité de ce type d’interventions.

Les personnes qui ont subi une intervention contre l’IVCC ont déclaré en avoir retiré certains bienfaits (p. ex. diminution de la fatigue, augmentation de la chaleur dans les membres, amélioration de l’équilibre).

La durée de ces bienfaits signalés par les personnes intéressées est souvent limitée.

La Société de la SP s’attend à ce que les personnes atteintes de SP souhaitent obtenir davantage d’information sur les résultats de l’essai clinique canadien sur l’IVCC.

La publication des résultats de l’essai pancanadien sur l’IVCC dans une revue scientifique à comité de lecture est en cours de préparation. Nous en saurons alors davantage sur les effets de la veinoplastie dans le contexte de la SP. Les délais de publication demeurent pour l’instant inconnus; la Société de la SP s’assurera toutefois de communiquer de l’information détaillée à ce sujet le moment venu. Pour en savoir plus sur cet essai clinique, cliquez ici.